Du bleu au blé

Chroniques d’un apprenti boulanger : semaine 6

Mardi 7 octobre 2025, 2h30 : hier j’ai posé un jour de congé, ça faisait longtemps que je n’avais pas eu deux jours de repos de suite. Ca fait du bien, même si le réveil du mardi est toujours difficile. Je sais que mardi rime avec viennoiserie, et que je vais faire de la pâte levée feuilletée aujourd’hui. Arrivé sur place, j’enfile ces chaussures de sécurité qui font mal aux pieds et me dirige vers le fournil. E. me demande de commencer par les cookies, ils ne sont pas vendus en boutique mais à des professionnels de la restauration qui les utilisent comme dessert dans leurs menus.
La recette n’est pas compliquée, du beurre et du sucre, des œufs, de la farine, du chocolat, du bicarbonate et de la baking powder. Il faut mélanger tout ça au robot à la feuille, puis bouler des morceaux de pâte de 100g et les mettre au congélateur.
Comme prévu, il faut également faire la pâte à croissant ! C’est un peu le baromètre de mon évolution d’apprenti tourier (celui qui s’occupe des viennoiseries et différents types de pâtes), E. me laisse de plus en plus seul et autonomie. J’ai tout fait tout seul jusqu’à l’abaisse finale : la préparation du beurre, l’enchassage,  les tours double et simple. Une fois tout ça effectué, E. vient réaliser l’abaisse finale et on détaille les croissants et pains au chocolat tous les deux. Je me sens de plus en plus utile car j’ai l’impression de les délester un peu de leur travail sans qu’ils aient besoin de contrôler ce que je fais tout le temps.
E. et PF. m’avait mis de côté deux invendus de la veille, un Paris-Brest et un gros pain mais dans la précipitation pour rejoindre mon travail j’ai oublié de les prendre… dommage… moi qui n’aime pas le gâchis.

Vendredi 10 octobre 2025, 2h30 : comme chaque vendredi, c’est préparation de la grosse journée du samedi. J’arrive sur place avec la volonté d’essayer de gagner en rapidité sur les gestes pour être capable de produire plus vite. Je commence par réaliser les quiches lorraines et aux légumes, la pâte est déjà foncée, il n’y a plus qu’à faire l’appareil à quiche et à assembler. Ça ne me prend pas trop de temps. Je réalise ensuite le fameux pudding aux graines de chia, pareil c’est simple et rapide.
Puis vient le tour des différentes tartes aux fruits, j’épluche les pommes, je les coupe et les dispose sur la pâte de la tarte grand-mère. J’enchaine ensuite avec une plaque de tartes aux prunes, une de tartes à la rhubarbe et une de tartes aux figues. Couper les fruits c’est loin d’être mon truc préféré mais on ne peut pas toujours faire ce qui nous plait !
Pour changer un peu de d’habitude, PF. me fait peser et pétrir différents pains. J’ai mon petit carnet de notes avec les recettes et les protocoles. Je réalise ainsi les pétrissages des pains suivants : châtaigne, épeautre, mais, norvégien, taiga. Après un court frasage de 3 min en V1, il faut passer en V2 pour environ 9 min. Certains protocoles nécessitent un peu de bassinage (rajout d’eau) en fin de pétrissage. Il y a deux pétrins de libre donc les deux pétrins doivent tourner en même temps. A la fin du pétrissage les pâtes pointent en cuve pendant 20-30 min et subissent un rabats en bac pour leurs donner de la force. Le rabat doit être un geste franc et rapide, j’ai du mal à le réaliser sur certaines pâtes qui sont douces et collantes. Les bacs sont ensuite placés au frais pour être utilisés pour la fournée de demain. Bacs à peine mis au froid, il est déjà l’heure pour moi de quitter le navire pour la journée.

 

Samedi 11 octobre 2025, 3h00 : ce matin mon réveil a sonné à 2h30, je le désactive et j’ai à peine le temps de cligner des yeux qu’il est déjà 3h00. Je me prépare en vitesse, j’avale un café et je pars. E. n’a même pas besoin de me dire quoi faire, je lui dis « sauce grand mère ? », il me sourit, et je prépare ça rapidement. Comme depuis le début de semaine, je suis dans l’optique d’être plus efficace sans perdre en qualité. Je sais que je vais devoir être rapide et organisé lorsque je vais passer le CAP alors c’est maintenant que ça se joue. Je refais un pudding de graines de chia, ça à l’air de se vendre super bien. E. a une commande de mignardises salées et sucrés à réaliser pour aujourd’hui, c’est la première fois que je le vois faire ça. C’est une version mini des différents produits qu’il réalise habituellement. A. viendra le voir dans la matinée pour ajouter une partie de mini viennoiserie à la commande, pas le temps de faire une nouvelle pâte à croissant, il faut improviser… c’est là qu’on voit que l’expérience est importante dans ce genre de métier.
Je vois un bac de pâte avec des morceaux de chorizo sorti, je sais que c’est pour moi. Je divise et façonne les ficelles au chorizo. Ca aussi j’ai l’habitude maintenant.
J’essaye de naviguer entre PF. et E. pour savoir où je peux être utile. E. me demande de réaliser de la pâte sucrée, c’est la première fois que j’en fais. Il me donne la recette, du beurre et du sucre qu’on mélange à la feuille, on fait chauffer un peu la cuve avec le chalumeau pour que ça se mélange mieux. Puis on ajoute les œufs (j’ai encore cassé 40 œufs) petit à petit et enfin la farine. Il ne faut pas trop mélanger une fois l’ajout de farine car il ne faut pas qu’elle prenne de force, il faut juste que le mélange soit homogène. Je mets ensuite tout ça sur une plaque et ça part au froid.  Je profite d’avoir encore accès au pétrin et à la cuve pour faire la crème d’amande. Une fois faite, elle est disposée dans des sauts et mise au froid, elle servira pour plein de préparation différentes.
Je retourne voir PF. qui est en train de façonner des traditions, je lui propose mon aide. On se met chacun d’un côté et il me dit : « on lance, les paris à celui qui rempli sa planche entre premier. Ma côte est de 0,01« . Bon autant vous dire que les bookmakers ont été bons dans l’attribution des côtes. Une fois les trad’ façonnées, j’ai 50kg de pâte à décuver du gros pétrin.
C’est vers 10h30 que je me retrouve seul au fournil avec R. qui lui prépare les salades et les sandwichs du jour. J’ai beaucoup de traditions d’avance, si bien qu’il ne reste que deux bacs de la veille à faire. Généralement on essaye d’avoir assez de bacs de la veille pour que la fermentation soit au top, mais en cas de besoin il est possible de prendre des bacs réalisés le matin s’il y a eu assez de repos. Je prépare sereinement les deux bacs en essayant de faire des cuissons différentes car certaines personnes aiment les traditions bien cuites, d’autres blanches. Il en faut pour tout le monde. Je m’entraine aussi à la scarification sur les traditions, je trouve qu’un seul coup de lame est plus joli que plusieurs coups mais j’alterne avec trois coups histoire de m’entrainer pour ce qui est attendu le jour du CAP. PF. lui ne met pas lame pas ses traditions car il met la soudure sur le dessus, elle s’ouvre toute seule. Moi je la mets en contact avec le tapis du four donc la scarification est obligatoire. Je sors les tourte de seigle que PF. m’avait demandé de sortir, elles prennent du temps à cuire, il faut les saisir à feu vif et après les mettre dans un four un peu plus froid. A 11h30, moi qui pensais ne pas avoir à refaire de bacs, on vient me dire qu’on est bientôt à court de traditions. Je vais donc dans la chambre froide récupérer deux bacs de tradition pétris le matin même mais je n’en cuirais qu’un seul, l’autre sera fait pas A…. l’heure étant pour moi de rentrer !

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